Pétition Anti-raciste

Qu'«Autobiographie précoce d'un "terroriste" québécois» devienne le titre du livre le plus connu de Vallières («N***** blancs d’Amérique»)

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Pétition Anti-raciste
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Nous avons été nombreux-ses à nous intéresser aux livres fondateurs de la pensée radicale, socialiste et indépendantiste au Québec. Le livre le plus connu, celui de Pierre Vallières, malgré son analyse très pertinente de l’impérialisme américain et de la pauvreté institutionnelle des canadien-ne-s-français-e porte la marque d’une récupération des luttes des Noir-e-s et le poids d’une insulte raciste.

La «métaphore raciale» utilisée par Vallières fait violence, car elle ne cesse d’être utilisée aujourd’hui comme une preuve que les «Québécois-e blanc-he-s» sont opprimé-e-s comme les Noir-e-s et qu’en ce sens ces même québécois-e-s ne peuvent être racistes. De plus, lorsque ce titre entre dans la sphère médiatique, il devient l’occasion d’un usage répété, violent et injustifié. Lorsque la sphère médiatique s’intéresse au livre, ce n’est jamais en fonction de son contenu mais bien en fonction de sa valeur comme symbole: comme une preuve de «l’absence de racisme systémique» ou bien une forme de «All lives matters» à la sauce québécoise.

Nous croyons que le livre de Vallières mérite d’être lu à la lumière d’une perspective critique et anti-raciste. L’usage de comparaisons directes entre la situation des Noir-e-s américain et des blanc-he-s aux É-U est critiquable. Tant et aussi longtemps que le titre de ce livre restera le même, réduit à un symbole, nous ne serons jamais capables d’avoir une réelle discussion à son sujet.

Pire, tant et aussi longtemps qu’il sera ce symbole, il restera entre les mains du nationalisme raciste et xénophobe le plus décomplexé, de celles et ceux qui font semblant d'avoir lu le livre.

C’est pourquoi nous demandons aujourd’hui à Typo Édition, qui réédite le livre depuis plusieurs années, de changer le titre officiel de celui-ci pour le remplacer par le second titre qui est plus juste au niveau du contenu et qui ne dénature pas la pensée de Vallières: «Autobiographie précoce d’un “terroriste” québécois». Nous demandons également que le texte soit réédité avec une préface permettant aux lecteur.rice.s d’avoir un regard critique vis-à-vis les «métaphores raciales» et les insultes racistes reprises par des groupes et individus solidaires, mais qui ne vivent pas cette oppression.

Ce changement nous semble également en adéquation avec la pensée de l’auteur, car il se prononcera quelques années plus tard sur le titre de son ouvrage pour le soumettre à la critique. Dès l’urgence de choisir en 1972, la comparaison deviendra quasi-inexistante, sauf une fois entre guillemets et, en 1975 dans un article paru dans Le Jour il affirmera que le Québec n’appartient pas au bloc du Tiers-Monde, mais a bien plus à voir avec «une société privilégiée de l’Ouest», ce qui vient effectivement invalider la comparaison mise de l’avant dans son «Autobiographie précoce». Si le fameux livre d’Agatha Christie est aujourd’hui réédité et porte le titre «And Then There Were None», nous croyons qu’il est tout à fait possible de faire pareil avec Vallières.

Enfin, nous sommes d’avis, suivant la militante féministe décoloniale Françoise Vergès qu’il nous faut séparer la mémoire de l’histoire. Changer le titre d’un ouvrage, renommer une station de métro, modifier des toponymes ou déboulonner une statue portant la marque d’une figure ou pensée raciste, ce n’est pas de la censure ou du révisionnisme historique. Nous ne réécrivons pas l’histoire en faisant de telles demandes, mais nous demandons à ce que la mémoire, à ce que les symboles, ne portent les marques qui réactualisent et reproduisent la violence raciste et coloniale qui est toujours présente à ce jour et perpétré par l’État québécois et canadien. Voici, en supplément, une citation de Vergès qui explique la violence du mot:

«N***** : le mot ne peut se dire, s'énoncer sans qu'immédiatement résonne ce qui l'accompagne, l'histoire de l'invention des races et de leur inégalité. Celui qui est ainsi nommé ne se fait aucune illusion : on cherche à l'insulter, à l'humilier, à lui rappeler une filiation infamante. Celui qui prononce le mot sait ce qu'il fait : il inscrit celui à qui il s'adresse dans la prison de la race.» (Vergès, «Préface à Pierre Larousse», p.7)

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Cette pétition est un minuscule et humble pavé lancé sur le mur de la suprématie blanche. Nous savons qu’il faudra beaucoup plus que des changements de noms et de symboles pour instaurer une justice réelle. Que nous devons également faire un travail de mise valeur de l’histoire des Noir-e-s au Québec qui a trop souvent été occultée par de telles comparaisons. Également, il nous faut s’attaquer à la totalité du système capitaliste, hétéropatriarcal, raciste et colonial si nous voulons espérer quelques changements. Toutefois, cela ne veut pas dire pour autant qu’il nous faille déserter le symbolique et c’est pourquoi nous soumettons cette pétition aujourd’hui.

Nous croyons finalement que Vallières aurait appuyé cette pétition. Il n’aurait pas souhaité voir sa «Biographie précoce d’un terroriste québécois» aussi fortement associée à des propos racistes. Le Vallières des années 60 se serait battu contre la justification de l’exploitation et de l’oppression des communautés migrantes, noires, autochtones et racisées par la bourgeoisie québécoise. Rappelons-nous que déjà en 1963, il mettait en garde contre les effets pervers de l’affirmation nationale, une« fois la contradiction anglais-français résorbée:

«Je me demande ce que deviendront certains séparatistes de ma génération quand ils auront chassé les Anglais de leur paysage. J’ai peur qu’ils ne puissent survivre à cette séparation, tellement ils renieraient une part importante d’eux-même en cessant de s’affirmer contre eux. Il faudra peut-être qu’à leur tour ils inventent le Noir, le Juif ou l’Arabe. C’est tout de même une solution paresseuse et trop facile de se reposer sur une lutte verbale contre un bouc émissaire du soin de devenir des hommes.» (Pierre Vallières, «Cité libre et ma génération», Cité libre, août-septembre 1963, p.15-22)

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