Mary Ellen Davis 0

Lettre à la SODEC - COPRO (Tel Aviv) et co-productions avec Israël

Show your support by signing this petition now
Mary Ellen Davis 0 Comments
2 people have signed. Add your voice!
2%
Maxine K. signed just now
Adam B. signed just now

Montréal, le 28 août 2014

Monique Simard
SODEC
215, Saint-Jacques, bureau 800
Montréal (Québec) H2Y 1M6

cc Caroline Fortier ARRQ
cc Katarina Soukup, Ian Oliveri Doc-Québec
cc Sylvie Lussier SARTEC
cc Claire Samson AQPM

OBJET: Participation québécoise à COPRO (Tel Aviv) et co-productions avec Israël

Chère Madame Simard,

Nous, soussigné(e)s, avons lu l’appel de la SODEC à s’inscrire à la 16e édition de COPRO, événement israélien qui s’est tenu à Tel Aviv au mois de mai 2014, consacré essentiellement à la coproduction de documentaires avec Israël. Nous avons aussi lu votre lettre en date du 1er avril, en réponse à notre lettre du 17 mars, et nous ne la trouvons pas à la hauteur de la situation dramatique que vit le peuple palestinien depuis des décennies et encore moins à la lumière du carnage que vient de faire subir l’armée israélienne aux Palestinien-ne-s de Gaza. Nous savons que la SODEC s’est engagée dans des coproductions avec Israël au moins à deux reprises (Une bouteille à la mer, 2011; Les mots justes, en post-production).

Nous tenons à vous informer, si vous n’êtes pas déjà au courant, qu’en 2005, la société civile palestinienne a lancé un appel à la communauté internationale pour qu’elle s’associe à une campagne de boycott, désinvestissement et sanctions contre Israël, jusqu’à ce qu’il applique le droit international et les principes universels des droits humains. Cette initiative est maintenant mondialement connue comme le «mouvement BDS». Nous soutenons cette réponse citoyenne non violente à l’impunité d’Israël. Nous demandons aujourd’hui à la SODEC d’y adhérer.

La campagne s’articule autour de plusieurs axes: le boycott culturel, académique et sportif, ainsi que celui des produits de consommation. Il ne s’agit pas de boycotter des individus, qu’ils soient artistes, enseignants ou athlètes. Il s’agit de se dissocier - en tant qu’organisations, institutions ou individus - d’événements soutenus par l’État d’Israël ou par des institutions israéliennes, même privées: festivals, concerts, expositions, conférences, colloques, tournois, matchs.

Au-delà de ses agressions militaires contre Gaza (2005, 2008-09, 2012, 2014), Israël est engagé dans une guerre quotidienne contre le peuple palestinien, que ce soit en Israël ou dans les Territoires occupés, et même contre la diaspora: une guerre d’usure et une guerre sanglante. Les violations du droit international et des résolutions de l’ONU ne se comptent plus: lois d’exclusion basées sur l’appartenance ethnique, identification ethnique dans les registres, construction de colonies juives illégales, routes à l’usage exclusif des Israéliens, checkpoints à l’intérieur des territoires palestiniens, mur d’apartheid qui sépare les Palestinien-ne-s d’autres Palestinien-ne-s, répression brutale de tout mouvement de protestation, détentions arbitraires, emprisonnements sans procès y compris d’enfants, torture, circulation restreinte à l’intérieur de la Cisjordanie, contrôles d’entrée et de sortie de biens et d’individus par Israël, refus de permis de construction, démolition de demeures palestiniennes et bédouines, destruction de bétail et de plantes, détournement d’eau de source, dépossessions et expulsions, état de siège en Cisjordanie, blocus complet sur Gaza quand il ne s’agit pas de bombardements et d’opérations militaires impitoyables, etc. À retenir également que des millions de Palestinien-ne-s sont apatrides. En 2009, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWWA) estimait que les Palestinien-ne-s constituaient la plus importante population de réfugié-e-s à travers le monde, soit 5.5 millions de personnes.

Du 8 juillet au 27 août 2014, dans le cadre de son opération «Bordure Protectrice», les assauts d’Israël ont causé la mort de 2104 Palestinien-ne-s, dont au moins 1462 civils, parmi lesquels 495 enfants et 253 femmes; parmi 10224 blessés, 3107 sont des enfants; 17,200 résidences ont été détruites ou gravement endommagées; 216 écoles et 58 centres d’attention médicale endommagés aussi; 5 hôpitaux fermés. Des missiles ont atteint 3 écoles des Nations Unies qui servaient de refuge aux familles qui avaient fui les bombardements de leurs maisons. Le total des personnes déplacées a atteint 520,000. Pourtant du côté israélien, on ne compte que 67 morts, dont 64 soldats (donc, 4% de civils).

De janvier 2000 à août 2014, selon les chiffres de Defence for Children International (Palestine) et des Nations unies, 1902 enfants ont été tués par les forces de sécurité israéliennes. Échelonnés sur 5368 jours, cela fait 1 enfant palestinien tué à tous les 2.8 jours. Israël jouit d’un statut privilégié aux yeux des États occidentaux et de leurs alliés qui lui accordent une impunité totale face à ses exactions, alors que les Palestinien-ne-s ne peuvent compter que sur la solidarité des peuples. Israël possède l’une des dix armées les plus puissantes du monde, dotée de la quincaillerie militaire la plus sophistiquée; il peut compter sur le meilleur système de défense financé à coups de milliards de dollars américains; il possède l’arme nucléaire. À l’aune de cet arsenal, les moyens dont disposent les Palestinien-ne-s sont dérisoires, tellement que depuis 1947, Israël n’a cessé de s’approprier des territoires et de faire bouger ses frontières à son avantage. On est donc en droit de s’étonner quand vous mentionnez «la nécessité pour Israël de vivre en paix à l’intérieur des frontières sûres et reconnues».

Israël se présente comme un phare de la démocratie au Moyen-Orient, alors qu’il écrase un autre peuple. Beaucoup de conflits sont asymétriques, mais celui qui oppose Israël et les Palestinien-ne-s l’est en particulier.

Selon les rapports des Nations Unies, en temps de calme relatif, chaque semaine, des dizaines de Palestinien-ne-s sont blessés par Israël, certains tués, d’autres emprisonnés; des centaines d’oliviers sont détruits; les Bédouin-e-s vivent sous la menace… Nous ne pouvons pas rester les bras croisés, et seulement souhaiter «la paixdurable ». Il faut agir. D’autant plus que tous les moyens pacifiques mis en place par les Palestinien-ne-s pour revendiquer le respect de leurs droits fondamentaux ont été rejetés par Israël et souvent très brutalement réprimés: soulèvement populaire (intifada) de 1987, négociations interminables même en pleine augmentation de la colonisation, recours juridiques, marches pacifiques des habitants du petit village de Bil’in, manifestations pour le droit de retour des réfugiés, grèves de la faim des prisonniers politiques, élections sous haute surveillance internationale en 2006 et gagnées par le Hamas, demande pour accéder à l’ONU à titre de membre observateur, etc. À chaque fois Israël, appuyé par les États-Unis, le Canada et nombre de pays occidentaux, a dit NON. Cette communauté de pays du refus porte une lourde responsabilité dans le blocage systématique de toutes les voies politiques de règlement du conflit.

La campagne BDS est un autre moyen pacifique pour forcer Israël à respecter les droits des Palestinien-ne-s et faire pression sur la communauté internationale – et nous, sur le gouvernement canadien - pour sortir Israël d’un état permanent d’impunité. La moindre des choses est d’éviter aujourd’hui tout partenariat avec les institutions israéliennes, sauf celles qui dénoncent ouvertement l’occupation et l’apartheid tout en mettant en pratique leur position.

Des institutions canadiennes qui ont accepté de s’associer à l’État d’Israël – par ex. TIFF en 2009 – ont provoqué l’indignation de cinéastes et de cinéphiles, qui ont protesté devant les salles et publié une lettre ouverte (Now, Aug. 29 2009 «TIFF’s Tel-Aviv Turmoil – A boycott of the festival» http://www.nowtoronto.com/daily/story.cfm?content=171064).

Certains se demandent encore pourquoi s’en prendre à Israël en particulier, alors que presque tous les États - y compris le nôtre - répriment leurs citoyens, leurs minorités et parfois les peuples voisins, sinon des peuples à l’autre bout du monde. Devrions-nous cesser de protester sous prétexte qu’il faudrait protester contre toutes les injustices? Il n’en est pas question. En tant que réalisateurs/trices, producteurs/trices, scénaristes, artisans, critiques, enseignant(e)s et passionné(e)s du documentaire et de la fiction, nous entendons protester contre toutes sortes d’injustices y compris celle de l’oppression des Palestinien-ne-s.

Qui plus est, comment prétendre à la souveraineté si nous n’appuyons pas la volonté d’auto-détermination des autres peuples? Par simple souci de cohérence, nous vous demandons de couper vos liens avec tout événement israélien du genre COPRO, qui cherche à polir l’image d’Israël, et de cesser d’encourager notre milieu à participer à cette mascarade. Nous vous demandons aussi de ne plus engager l’argent des contribuables dans des coproductions recevant l’appui du gouvernement israëlien. Vous rejoindrez ainsi un nombre grandissant d’organisations qui brisent le silence et se joignent à la campagne BDS.

Nous vous remercions de l’attention que vous accorderez à cette lettre et nous demandons de pouvoir en discuter avec vous de vive voix à un moment qui vous conviendra (répondre à: medmtl2012@gmail.com).

Nos salutations sincères,

Mary Ellen Davis, réalisatrice, enseignante
Rodrigue Jean, réalisateur
Lorraine Guay, attachée de recherche (Université de Montréal)
Daniele Lacourse, réalisatrice
Sylvie Van Brabant, réalisatrice
Denis Kosseim, enseignant
Abby Lippman, professeure émérite
Kathy Wazana, réalisatice
Svetla Turnin, Cinema Politica
Julian Samuel, réalisateur
André Habib, enseignant
Rosanna Maule, enseignante
Marc Girard, cinéaste
Nathalie St-Pierre
Majdi El Omari, réalisateur
Olivier Gianolla, peintre
Bruce Katz, PAJU

Au nom des 130 signataires en date du 17 mars 2014

AUTEUR DE L’IMAGE POUR LA PÉTITION: NIDAL EL KHAIRY

* * *

Textes à consulter:

9 juillet 2005 - Appel de la société civile palestinienne
Appel au boycott, aux sanctions et aux retraits desinvestissements contre Israëljusqu’à cequ’il applique le droitinternational et les principes universels des droits de l’Homme.
http://www.bdsfrance.org/index.php?option=com_content&view=article&id=20&Itemid=2&lang=fr

20 juillet 2009 - Initiative palestinienne pour le boycott universitaire et culturel d’Israël (PACBI)
http://www.bdsfrance.org/index.php?option=com_content&view=article&id=11&Itemid=13&lang=fr#appel

BDS France - Dror Warshawski, chercheur, explique le boycott culturel.
https://www.youtube.com/watch?v=_WM5ddc0PLg

BDS France - Argumentaire : Le boycott culturel
http://www.bdsfrance.org/images/stories/4_pages_BDS_culture_quadri.pdf

Chiffres:
UN OchaOPT (United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs) http://www.ochaopt.org/
Defence for Children International DCI-Palestine: http://dci-palestine.org/
B’tselem the Israeli Information Centre for Human Rights in the Occupied Territories http://www.btselem.org/

ANNEXE - Pertes de terres palestiniennes de 1946 à 2010

Share for Success

Comment

2

Signatures