La Tunisie se trouve aujourd’hui face à son avenir. Dans quatre mois, les tunisiens seront appelés à élire une assemblée constituante pour se doter d’une Constitution qui soit à la hauteur de leurs ambitions et de leurs espoirs. Cela constitue le principal acquis politique après la Révolution du 14 janvier et nous en sommes fiers. Mais l’élection d’une Constituante est un acte fondateur majeur. Il s’agira d’énoncer ce que sont nos droits fondamentaux ainsi que la manière dont nous entendons qu’ils soient protégés et pérennisés. La Constitution aura aussi à énoncer quels doivent être les principes régissant les rapports entre l’Etat et ses institutions d’une part et les citoyens d’autre part. A la passion unanime pour la dignité et la liberté qui a animé la révolution devra se joindre la recherche réfléchie d’un consensus sur la manière de les traduire dans une bonne constitution qui fonde l’exercice effectif des droits politiques de manière durable et de faire de la culture démocratique un fondement du vivre ensemble citoyen. Cette constitution ne se crée pas du néant ; l’idée constitutionnelle fait partie de notre histoire, depuis le Pacte Fondamental de 1857 jusqu’à la Constitution de 1959. Elle imprègne la conscience nationale politique, elle a structuré le mouvement de libération nationale et est au fondement de l’Etat depuis l’indépendance. Ce que le peuple ambitionne, c’est de se doter d’une constitution qui prolonge certes son histoire, mais en préservant ses acquis, en garantissant les droits fondamentaux à la liberté, à l’égalité et à la dignité et ce, dans l’exercice effectif de la citoyenneté. La tâche est trop importante pour être laissée aux mains des seuls partis politiques et autres associations quelles qu’en soient la bonne volonté et la compétence. Elle devra être menée au dessus des intérêts partisans, au delà des affiliations idéologiques. Elle devra consacrer par dessus tout la citoyenneté libre comme valeur ultime. La Tunisie est riche d’une multitude de personnes indépendantes en même temps qu’intéressées à la réussite de l’œuvre exaltante que sera la construction démocratique. Des citoyennes et des citoyens de grande valeur, des patriotes d’une grande expérience politique et intellectuelle sont aujourd’hui en dehors des partis et en dehors de la vie associative, mais ils sont conscients de l’importance de l’enjeu constitutionnel ainsi que de leur devoir d’y contribuer activement. Nous les appelons à joindre leur expérience et leur intelligence à l’effort commun des tâches de la transition démocratique. Dans un contexte marqué par la primauté du politique, cet effort peut contribuer à mobiliser une frange importante de la société et favoriser un courant d’opinion consensuel autour des principes qui doivent fonder notre future constitution. Cette initiative ne va pas concurrencer l’action des partis, mais elle va les aider et les compléter. Elle ne vise pas à se constituer en un parti politique, sa durée est nécessairement limitée par la tâche constitutionnelle ; ses animateurs gardent leur entière indépendance. Cet appel est une invitation à contribuer à une première rencontre autour du défi constitutionnel de la Tunisie.